Nos limites-pour une écologie intégrale – de Gaultier Bès avec Marianne Durano et Axel Norgaard-Rokvam

Nos limites-pour une écologie intégrale – de Gaultier Bès avec Marianne Durano et Axel Norgaard-Rokvam

Le centurion – Mai 2014

Les trois auteurs (25 ans, 22 ans et 26 ans) font partie du mouvement des Veilleurs. Ce Mouvement, né dans le sillage de La Manif Pour Tous, s’est caractérisé par des veillées de dizaines de jeunes dans de nombreuses villes de France autour du thème de la non-violence. Ces assemblées se sont caractérisées par des chants et des lectures de textes philosophiques et poétiques autour de la conviction que la plus grande des forces était une force intérieure.

Le livre Nos Limites expose la philosophie de l’écologie intégrale.

Cette écologie intégrale se définit en différents passages :

P10 « accepter de dépendre des autres pour vivre plus simplement »

P11 « simplifier son existence, c’est vivre de ce que nous proposons d’appeler une « écologie intégrale ». L’écologie intégrale ne choisit ni l’humain contre la nature, ni la nature contre l’humain. Elle cherche au contraire à réconcilier l’humanisme et l’environnementalisme, à faire la synthèse entre respect absolu de la dignité humaine et préservation de la biodiversité. »

P35 « Notre finitude implique notre dépendance, nous avons besoin des autres parce que nous sommes des êtres vulnérables et incomplets »

P36 « La vie est intrinsèquement relationnelle »

P37 « Il n’y a pas d’identité sans appartenance, pas d’existence sans référent commun. L’incarnation est en effet la condition de notre croissance intérieure »

P53 « Notre époque semble travaillée en profondeur par le problème de la démesure et de la différence : à partir de quels critères définir le même et l’autre, et que faire de cette distinction ? Ainsi se voient bousculées, bien au-delà des frontières géographiques, les grandes frontières ontologiques : entre la vie et le néant, entre l’inaliénable et le négociable, entre l’amas de cellules et la personne, entre l’homme et la femme, entre l’humain et la machine… »…  «’humain est un être fini, limité, dans ses moyens autant que dans sa durée de vie Nous savons depuis les Grecs que l’Hybris, c’est-à-dire la démesure, nous déshumanise en nous faisant sortir de notre condition »

Le projet du livre est exposé à la fin, p 105, « Nous avons essayé dans ce petit livre de caractériser, à travers un panorama trop rapide, certains excès et certains manques de notre époque »

C’est ce qui fait l’intérêt et la faiblesse de ce petit livre, qui se lit facilement.  On avance de thème en thème sans trop comprendre les différences entre les deux parties intitulées « L’archipel des atomes » et « la chasse aux sorcières ».

Les auteurs dénoncent :

  • Le cercle vicieux du libéralisme p 24 : « le libéralisme économique intégral (officiellement défendu par la droite) porte donc en lui la révolution permanente des mœurs (officiellement défendue par la gauche) tout comme cette dernière exige, à son tour, la libération totale du marché (extrait de JC Michéa, plusieursfois cité) »
  • Le traitement réservé à la pétition de 700.000 personnes lors de la Manif pour Tous p 26
  • La société liquide p 28-29, le déracinement p39, p58 et s, p 84
  • Le traitement réservé à la famille p33 et s
  • L’école « laïcarde » p 40 et s
  • L’individu solvable p46 et s
  • La PMA/GPA p 49, p 67 et s, p91
  • L’eugénisme et l’euthanasie p 52
  • La remise en cause de l’altérité des sexes p 64
  • Le mythe de la croissance  p 70, du gigantisme p75,
  • La globalisation p78 et son impact écologique
  • La banalisation du dimanche p92

Commentaires :

On ne peut que saluer ce petit livre qui se lit facilement, bien écrit, rempli de références (les auteurs sont l’un agrégé de lettres modernes, l’autre étudie la philosophie à l’ENS de Lyon, le troisième étant relieur). Il en ressort une vraie conviction, à savoir que, face à cette société libérale-libertaire (p 18) l’espoir en un autre mode de développement est possible. Il existe des alternatives à ce monde qui se croit sans limite et qui fonce dans le mur

Il émane de cet ouvrage beaucoup de spontanéité et de fraîcheur même si on peut regretter une structuration assez peu démonstrative.

L’intérêt du livre vient également des échos qu’il apporte et des ponts qu’il laisse envisager comme possibles : Ainsi de la note en bas de la page 74 dans laquelle ils évoquent des « directives pour un manifeste personnaliste » (1935) élaborées par Bernard Charbonneau et Jacques Ellul et recueillis dans Textes pionniers de l’écologie politique Seuil 2004. Ainsi de la critique du mythe de la croissance, qui sous-tend l’ensemble du livre et qui ne peut qu’être rattachée au mouvement écologiste et aux prises de position d’une Corinne Lepage ou d’une Dominique Méda. Ainsi de l’évocation des clivages au sein des Verts, avec notamment les prises de position de José Bové qui s’oppose à « toute manipulation sur le vivant, qu’il soit végétal, animal et encore plus humain » p67

Ceci induit une interrogation. Qui sont les alliés des Veilleurs ? Où se situent-ils sur l’échiquier politique ? A moins que la particularité de ce mouvement soit de brouiller les pistes et de réfuter tout autant les tenants d’un libéralisme aveugle de droite que les partisans d’une fausse émancipation de gauche ?

Enfin, ils consacrent trois pages sur l’Europe (p 80-82). C’est naturellement un peu « court ». L’impression générale est qu’ils ne rejettent pas la construction européenne (« promouvoir une écologie fondée sur la limite, ce n’est pas rejeter l’unité européenne, c’est bien plutôt veiller à ce que la coopération ne détruise pas la cohérence ») On attend ici aussi un approfondissement de la réflexion.

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Patrice Obert

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