Deux récits composent ce livre paru en 2023 : Mon pays dans le ciel et Stèles.
On peut les lire séparément, mais mieux vaut les découvrir à la suite. Le premier parle de la Bretagne à travers la jeunesse de l’auteur, le second parle de la vie politique et littéraire de l’auteur à travers la Bretagne. Autant dire qu’on passe de l’un à l’autre sans trop s’en rendre compte, d’autant qu’ils sont écrits avec le même style, sans plan apparent, comme un cheminement tranquille et poétique au fil des années qui défilent.
Le premier est un hymne à la Bretagne, celle des grands-parents et parents de l’auteur et celle de son enfance et de son adolescence, mais c’est pourtant dans le second qu’on découvrira quelques définitions de la Bretagne, comme parenthèse ( p173), comme pays universel (p 180), comme « être Breton et être au monde » (p267), comme intranquillité enfin ( p 279) en référence à Xavier Grall.
Le second est un hommage à tous les lieux et surtout toutes les personnes qui ont croisé et enrichi l’auteur, mais c’est dans le premier qu’on lira des pages touchantes sur les grands-parents de Jean-Michel Le Boulanger et ce grand-père qui savait qu’il était l’heure de rentrer « quand, dans les nuages, la carte de la Bretagne se dessin[ait] ».
Au centre de ces deux récits, se dresse donc la Bretagne, une Bretagne parée de tous les noms, ceux des roches, des animaux et des personnes, ceux du vent, des marée et des forêts, ceux du sport, des lectures et de la musique, cette Bretagne qui se présente comme un questionnement et un équilibre entre des racines, les Autres et l’époque contemporaine, tout simplement parce qu’elle est une presqu’île, une histoire et si singulière, ouverte et multiple, dotée, mais c’est à peine chuchotée, d’une « âme ».
Jean-Michel Le Boulanger ne se lasse pas de la décrire, revenant inlassablement sur « Ma Bretagne » et déclinant sur tous les tons cet enracinement qui le rend si fier et, en même temps, si ouvert sur le monde. Un enracinement qui lui fait écrire qu’il est « un habitant habité » (p 172) et qui explique son choix, après quelques déconvenues nancéennes, de revenir vivre en son pays, d’y faire carrière ( bien que la vie, imprévisible, soient tissées de bifurcations et de hasards), d’y mener un puis plusieurs engagements politiques à Douarnenez puis en région ( ce monde politique qui, malgré tous ses défauts, reste une magnifique fabrique de citoyenneté !), d’y engager enfin une fructueuse carrière littéraire en refusant de se faire éditer à Paris, jusqu’à accepter la présidence du festival des Etonnants voyageurs.
Suivre Jean-Michel Le Boulanger, c’est parcourir plus de 60 ans de lectures et d’amitiés littéraires, de chanteurs et de musiciens, de sportifs, d’hommes politiques, chacun accueilli avec une gentillesse et une bienveillance manifestes dans des portraits singuliers, chaleureux, où se dévoilent une joie de la rencontre, un bonheur de la poignée de main, une jubilation de la communion d’être ensemble, un plaisir de la découverte, un émerveillement devant la vie, un bonheur d’être et d’avoir été Breton, mais aussi Français et citoyen du monde.
C’est également le parcours très pédagogique d’un enfant des années 50 qui raconte sa vie simple, les conditions de vie pas très faciles, les études, la prise de conscience des luttes sociales et le choix d’un engagement au service des gens du peuple.
Beaucoup se reconnaîtront dans ce portrait où l’auteur se dévoile sans fausse pudeur. Etrangement et paradoxalement, il cite plusieurs fois cette phrase de Malraux « Pour l’essentiel l’homme est ce qu’il cache : un minuscule petit tas de secrets », preuve de l’importance qu’il attache à ce diagnostic, nous laissant sur une interrogation : quels secrets bretons cet amoureux du ciel garde-t-il encore dans le silence, lui qui cherche toujours la sagesse de son grand-père et la carte de son pays quand il lève les yeux vers les nuages ?
Crédit photo www.livreshebdo.fr