Intelligence du travail – de Pierre-Yves GOMEZ

Intelligence du travail – de Pierre-Yves GOMEZ

 Desclee de Brouwer – 2016

J’aime attaquer un livre par son sommaire. Lisant les parties, les sous-parties, je tente de comprendre la pensée de l’auteur avant d’avoir entamé l’ouvrage. Ici, peine perdue, nouvelle mode, les chapitres s’égrènent sans titre au fil du texte. On en relève ici 21. Essayons de reconstituer la table des matières.

Introduction

chapitre1 crise des migrants, idée de nation ; thème central du travail comme activité qui forme une nation

Première partie :  pourquoi le travail est essentiel

Ch 2Le travail : 4 raisons de libération ; 4 raisons d’aliénation

Ch 3 A quoi ça sert ? A qui je sers ? Le travail comme communauté

Ch 4 La dignité passe par le travail

Deuxième partie : les différentes sortes de travail, la carte de la solidarité humaine

Ch 5  le travail domestique (remarquable chapitre)

Ch 6 le travail bénévole et le travail du consommateur

Ch 7 le travail rétribué : salariés et travailleurs indépendants

Ch 8 Rapide histoire du travail reconnu à travers 4 étapes : du travail expérience de vie au travail ressources financières

Troisième partie : la victoire du consommateur au dépens du travailleur (partie centrale)

Ch 9 Cité du travailleur, cité du consommateur

Ch 10 Quand la logique de la consommation intensive aliène le travailleur

Ch 11 La perte du  travail des « gens concrèts »

Ch 12  L’habillage idéologique : le néo-libéralisme, ciment idéologique de la société de consommation

Quatrième partie :  Les dangers dévastateurs de la victoire de la consommation 

Ch 13 Le revers de la victoire : addiction des consommateurs, déni du travail  réel

Ch 14 L’extension effrénée de la consommation dévaste l’environnement : nous mangeons la Terre

Ch 15 La technolâtrie : religion du consommateurs

Cinquième partie : la guerre entre les deux cités : incertitudes et aléas

Ch  16  Economie de proximité (revalorisant le travailleur) contre Economie de la multitude ( privilégiant le consommateur)

Ch 17  premier front : qui s’appropriera les plateformes numériques inventées par l’économie de proximité ?

Ch 18 Deuxième front :  qui gagnera la guerre de la robotisation  de l’industrie et des services ?

Ch 19  Troisième front : au sein même des entreprises, consommer sans entraves ou décider du sens de notre travailleur ?

Conclusion : enjeux politiques et question personnelle

Ch 20 résumé général et trois enjeux politiques

Ch 21 (très court) chacun de nous est consommateur et travailleur : à nous aussi de choisir.

Après avoir reconstitué la logique des chapitres, on comprend bien le déroulé de la pensée de l’auteur.  Du coup, on aurait envie de lui suggérer un autre titre pour l’ouvrage – mais il y a sûrement lui-même pensé-  à savoir, non pas « Intelligence du travail », mais « Le mythe du potager ».

L’argument est limpide :  Au fil de l’histoire des progrès techniques humains, nous avons peu à peu évacué la réalité du travail pour construire une société de l’abondance qui dissimule le travail concret et valorise en chacun de nous le consommateur. Au lieu de prendre soin de notre potager (chapitre 14), nous avons décidé d’adorer le dieu consommation et construit les temples de cette technolâtrie que sont les hypers marchés. De cette technolâtrie, nous mourons et mourrons par ce que nous sommes devenus addicts et que nous détruisons la Terre, ayant oublié de « cultiver et garder » le jardin mis à notre disposition.

La 5ème partie est passionnante parce qu’elle dessine un avenir ouvert.  Des tentatives se développent en s’appuyant sur les nouvelles technologies pour recréer une proximité avec le producteur (1er front), pour faire de l’essor des robots un outil de reconquête de l’économie de proximité (2ème front) et pour transformer le sens du travail au sein même des entreprises (3ème front). Mais aucune de ces batailles n’est gagnée parce que les tenants de la cité de la consommation ne désarment pas. D’une certaine façon, la victoire dépendra de notre décision personnelle car nous sommes chacun ce travailleur aliéné affamé de consommation. Si nous ne changeons pas nous-même, si nous préférons nous suicider dans cette « Grande Bouffe » planétaire, le combat sera perdu.

 Aussi, les trois questions formulées page 171 (chapitre 20) résonnent-elles particulièrement en cette période de pré-élection présidentielle :

  • Quelle répartition des revenus ? Et, par voie de conséquence, comment faire que le revenu minimum garanti universel soit un outil pour rémunérer le « travail fantôme » ?
  • Quelle protection assurer aux nouveaux travailleurs indépendants ?
  • Qui contrôlera les technologies digitales et numériques ?

Une observation : La description de la guerre entre les deux cités est remarquablement éclairante : cité de la consommation contre cité de la production. L’auteur indique (p 129) « La stratégie, dans cette guerre, est de favoriser ou d’empêcher la proximité entre le travailleur et le consommateur. Plus le producteur est proche du consommateur, plus son travail est incarné et son utilité devient plus immédiatement intelligible : celui qui fabrique est en contact avec celui qui a besoin de ce qui est fabriqué ». C’est pour l’auteur la question-clé qui conditionne d’ailleurs les chapitres suivants. On peut pourtant se demander si c’est la bonne question, car, ce combat-là semble perdu. D’ailleurs, les incertitudes sur l’issue des trois fronts (Ch 17, 18, 19) montrent bien que les forces qui militent pour la poursuite du système actuel sont bigrement fortes. On peut donc se demander si l’affaire n’est pas déjà réglée (dans le mauvais sens) ou s’il ne faudrait pas poser l’équation en d’autres termes (qui restent à écrire) ?

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Patrice Obert

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