L’Occident et les autres – Histoire d’une suprématie, de Sophie Bessis La découverte , 2001.

je redécouvre cette fiche de lecture que j’avais à l’époque oublié de poster

Se référer tout d’abord à l’article de Mohammed Harbi paru dans Le Monde du 15 juin 2001. Cet article souligne le paradoxe de l’Occident qui produit des règles universelles, les viole quand ça l’arrange et justifie de façon théorique ces violations.

Ce que j’en retiens : Sophie Bessis pose page 260 1’enjeu pour demain : la culture occidentale continue de vouloir définir seule les conditions d’accès à un universel moderne (dire ce qui est Bien, ce qu’il faut faire pour être développé, juger les criminels…). Or il s’agit de rendre cet universel appropriable par tous. Comment bâtir un contrat politique social, moral, mondial où toutes les composantes de la société humaine se reconnaîtrait ?

Face à cet enjeu, il y a ( page 287) deux attitudes négatives :

D’une part les tenants de la supériorité des valeurs occidentales. Pour eux, seule l’imitation par les autres leur permettra d’y tendre. C’est la position traditionnelle véhiculée par les Occidentaux, souvent de bonne fois.

D’autre part les tenants de la spécificité de chaque culture, qui considèrent qu’aucune n’est supérieure à une autre, mais qui les constatent imperméables les unes aux autres. Et ainsi les momifient.

L’exemple de l’excision citée en note page 287 est éclairant.

Cet enjeu est d’autant plus fort que, face à la Modernité, les mouvements de libération ont cherché (page 315) à concilier des termes contradictoires :

D’un côté, restaurer une tradition précoloniale pour retisser les fils d’une identité perdue. De l’autre, construire un avenir en s’appuyant sur un « progrès » emprunté à l’Occident.

S.Bessis indique qu’en réalité, les nationalismes du Sud ont résumé leur adhésion à la Modernité en s’appropriant l’Etat-Nation, avec les dérives totalitaires qui en ont découlé.

S.Bessis rapporte page 238 les propos de l’iranien Kazem Kardavani « Notre objectif n’est pas de copier l’Occident mais de nous approprier cet acquis mondial qu’est la démocratie ». Autrement dit, comment reconnaître que l’Occident a sa part déterminante dans l’élaboration de l’Universel moderne, tout en trouvant chez soi des modes de légitimation des principes énoncés ?

Pour S.Bessis (page 334), un avenir est possible. Il suppose l’abandon par I’Occident de ses certitudes et la remise en cause de son mode de vie et l’abandon par le Sud de ses crispations.

Un livre que je trouve remarquable car il nous éclaire par un côté inhabituel. S.Bessis est très claire, très nuancée et elle sait résumer sa pensée de façon concise.

crédit photo citéphilo