Dans cet ouvrage, Charles Sapin, journaliste, entend dresser une photographie de l’extrême droite en Europe avant les élections européennes.
Il organise son livre en plusieurs chapitres très clairs
- Dans les trois premiers, il s’interroge sur la définition de cette extrême droite et son entrée progressive dans les gouvernements de nombreux pays
- Puis il analyse leurs positions sur trois thèmes : l’immigration, la question identitaire, puis l’environnement.
- Il examine ensuite trois situations, qui expliquent le fait que la sortie de l’Europe n’est plus revendiquée : l’insuccès du Brexit, le cas hongrois et la stratégie gagnante de G. Meloni.
- Il consacre un chapitre aux batailles entre les forces de cette extrême droite et les désaccords entre ECR et ID au parlement européen
- Il termine en analysant le rôle du PPE, sans doute le grand gagnant des prochaines élections.
J’avais lu des critiques plutôt négatives de l’ouvrage ( notamment dans Le Monde du 28 mars 2024). Je le trouve simple, clair et plutôt intéressant. J’en retiens plusieurs points :
1° La distinction entre le national-populisme ( ID) et le national-conservatismer ( ECR). La notion d’extrême droite ne lui parait plus significative car la plupart des partis sont très éloignés des fascismes de 1940. (page 25 et s, dernier chapitre)
2° La nature des programmes, avec, page 73 et s, la mention des sujets clés- : les migrations, la lutte contre les théories du genre et l’ensemble des évolutions sociétales, la lutte contre le wokisme et contre la défenses des minorités ; ainsi que les discours fondateurs ( pages 98/100) : à savoir la Déclaration de Prague de 2009, texte fondateur des partis du CRE autour de la notion « d’Europe des nations » ; le discours d’Heidelberg de Mateus Morawiecki de mars 2023 ou le Premier ministre polonais de l’époque s’en prend à l’utopie technocratique d’une élite restreinte et revendique le respect des identités culturelles, les valeurs chrétiennes, la subsidiarité, l’abandon par les institutions européennes de toute compétence non dévolue par le traité de Rome de 1957.
3° Son analyse du bilan hongrois ( ch 8). Certes Victor Orban gesticule beaucoup mais, 1° Depuis qu’il a quitté le PPE, il n’a plus beaucoup de prise sur le parlement européen, 2° les sanctions prononcées par l’Union ( page 121 et s) sont financièrement redoutables pour la Hongrie.
4° L’attitude de Giorgia Meloni, de Fratelli d’Italia, est bien plus subtile, (ch 9) :
- se glissant dans la politique économique de Mario Draghi,(sur le budget, sur la reprise du plan »Mattéi » destiné à faire de l’Italie un hub énergétique) ;
- abandonnant deux mesures-phares de son programme, le « blocus naval » en Méditerranée, la création de zones tampon en Afrique du Nord,
- accordant 452000 titres de séjours à des étrangers pour les besoins de main d’œuvre.
- soutenant l’Ukraine,
Elle met par contre en œuvre son « plan natalité » et son agenda sociétal.
Elle prend la tête de liste de son parti pour les élections européennes et se voit chef de file des partis nationalistes européens.
Rappel de ID et ECR
ID Identité et Démocratie | ECR Conservateurs et Réformistes Européens |
RN ( France)* Ligue du Nord ( Italie – Mattéo Salvini) AFD (Allemagne – Alice Weidel et Tino Chrupalla) | Fratelli d’Italia ( G Meloni) Vox ( Espagne) Démocrates de Suède Reconquête ( France Marion Maréchal) Parti des Finlandais Alliance pour l’Unité des Roumains Pis ( Pologne) |
- Jusqu’à l’annonce en mai 2024 que le RN se sépare de l’AFD suite à des déclarations sur les nazis de Maximilian Krach
Le Fidez polonais est sorti du PPE et est parmi les non-inscrits
Dans une hypothèse de recomposition, ID pourrait comprendre :
RN, Ligue du Nord, Parti pour la liberté ( Pays-Bas), Chega ( Portugal), PPC ( Estonie), LDD (Tchéquie), Fidez ( Hongrie) et FPÖ ( Autriche).
Trois conditions énoncées par Manfred Weber ( PPE) pour travailler avec d’autres groupes : être pro- européen, être d’accord avec l’Etat de droit, être pro-Ukraine.
Rappel des situations par pays
Pays | Date | Situation |
Finlande | Avril 2023 | Le parti des Finlandais rentre au Gvt avec le parti libéral-conservateur |
Espagne | Pendant un temps Vox, né en 2013 d’une scission d’avec le PP, a été par le PP Parti Popular en Castille et Léon | |
Allemagne | AFD devenu le 2ème parti. Sahra Wagenknecht quitte Die Linke et lance en octobre 2023 Pour la raison et la justice | |
Suède | Sept 2022 | Les Démocrates de Suède restent en dehors du gvt mais pèse bcp ( politique migratoire et lutte contre la criminalité) |
Italie | 2022 | La droite traditionnelle devient la 3è force du pays |
Pologne | Le Pis gouverne jusqu’en 2023 mais à 35% | |
Danemark | Poids du Parti du peuple danois sur la politique migratoire du Parti socialiste de Mette frederiksen | |
Slovaquie | Oct 2023 | Le SMER de Robert Fico |
Portugal | 2019, création de Chega, parti national conservateur, devenu 3è force du pays | |
Pays-Bas | Nov 2023 | PVV (Parti pour la liberté) de Geert Wilders fait 23%, le BBB (Mouvement agriculteur citoyen) de Caroline van der Plas, le VVD ( parti Polumaire |
Hongrie | Depuis 2010 | Fidez |
Roumanie | Alliance pour l’unité des Roumains 10% des voix en 2020 | |
Estonie | Parti populiste conservateur | |
Tchéquie | Liberté et Démocratie Directe | |
Autriche | FPÖ, parti pour la liberté d’Autriche, en tête des intentions de voix |
Rappel des nombres de sièges au parlement européen actuel :
- S&D groupe socialiste : 144
- Renew, libéraux et centristes : 102
- PPE : droite traditionnelle : 176
- ECR : 68 (dont Pis 24 et Fratellli d’Italia 9, Reconquête 1 )
- ID : 58 ( dont ligue du nord 23 et RN 18)
- Fidez : 12 non inscrits
- Nombre d’eurodéputés : 705/ majorité 351
On lira également
- l’enquête du Monde du 10 mai 2024 sur « Européennes : la droite extrême, une galaxie composite »
- L’article du Monde du 2 mai sur « Au parlement européen, l’inaction du RN »
- La Croix du 1er mars 2024 : « Le bilan ambigu du RN au Parlement européen »