Ed . Tallendier, 2021.
Exercice délicat… et réussi ! Ecrire un roman relatant la vie d’une femme, Marie-Madeleine, en associant dans un seul portrait trois figures des évangiles, la courtisane de Magdala, la pécheresse pardonnée de Luc et la sœur de Marthe et Lazare, pouvait apparaître comme un exercice difficile, voire impossible, même si l’auteure, dans sa postface, renvoie à des sources scientifiques qui n’écartent pas cette hypothèse. J’ai abordé le livre avec une certaine réserve, d’autant que le titre et la reproduction, en page de couverture, du tableau de Alfred Stevens me semblaient quelque peu aguicheurs.
Cécilia Dutter rend cette histoire très plausible en nous faisant vivre de l’intérieur la transformation spirituelle d’une jeune fille de Béthanie, soucieuse de fuir son environnement natal pour se frotter aux réalités et aux plaisirs de Jérusalem, puis attirée par la réputation de Jean-Baptiste et de Jésus, et allant à la rencontre de ce dernier pour finalement le suivre jusqu’au bout, c’est-à-dire au pied de la croix puis dans le jardin de l’apparition du Ressuscité, et jusqu’à la grotte de la Sainte Baume. Je me suis laissé entrainer dans ce parcours qui permet à Cécilia Dutter de nous plonger dans le contexte de cette époque avec une foule de mentions historiques, géographies, florales et liées à la vie quotidienne. Parcours qui nous confronte surtout aux paroles du Christ, toutes extraites des évangiles, telles qu’elles ont pu être entendues par une femme de l’époque, rebelle aux traditions locales et en quête du sens de sa vie. C’est l’occasion de découvrir un Jésus qui n’a pas peur des femmes, de les écouter, de leur parler, ni même de les prendre dans ses bras avec tendresse ; un homme qui se construit également à travers le regard et les paroles des femmes qu’il croise ; un homme enfin dont le charisme fait découvrir à Marie- Madeleine la portée universelle de l’amour qu’il porte à tous les êtres humains.
On peut s’étonner que Cécila Dutter n’ait pas interrogé la fratrie de Jésus, acceptant sans discussion qu’il soit fils unique. On peut regretter que les principaux apôtres, notamment Pierre et Jean, restent beaucoup trop dans l’ombre. Mais il faut savourer son regard de femme sur cette femme qui se révèle à elle-même. Ce livre me semble une excellente introduction à offrir à des personnes éloignées de l’église ou inquiètes de se confronter directement aux évangiles. Enfin, en cette période de doute, Cécilia Dutter nous offre son propre credo, une façon très personnelle et admirative de nous dire sa foi, avec chaleur, émotion et amour.
Je suis persuadé que l’écriture de ce roman a changé Cécilia Dutter. Merci à elle de s’être ainsi livrée en nous faisant partager l’éblouissement de Marie-Madeleine-Cécilia.
Crédit photo onlalu.com