Fugue américaine, de Bruno Le Maire

Fugue américaine, de Bruno Le Maire

Gallimard 2023

On pourra toujours s’interroger sur le fait que des hommes publics ayant de lourdes responsabilités trouvent le temps d’écrire des livres. C’est oublier qu’écrire est un besoin vital pour celui en porte les stigmates. Aussi, loin des querelles de bas étage, intéressons-nous au livre lui-même.

  Fugue américaine est l’histoire de deux frères, fils d’un couple allemand ayant fui le nazisme pour se réfugier aux Etats-Unis, l’un appelé à devenir un grand pianiste, ce qu’il ne deviendra pas à la suite de sa rencontre avec le pianiste Vladimir Horowitz et qui se suicidera, l’autre un psychiatre, narrateur  du livre.

Trois trames s’interpénètrent : la relation entre les deux frères, les destins comparés de Vladimir Horowitz et Sviatoslav Richter, deux pianistes russes, l’évolution de la géopolitique mondiale sous le signe de l’effacement de l’Occident.

Le roman s’organise en deux parties, « Punctus, la Havane, décembre 1949 » d’une part et « Contra punctum New-York-Lenox 1960-1963 » d’autre part, précédés par une courte introduction « Thème » et une sorte de partie finale de 10 pages, qui clôt les 470 pages de cet épais roman.

La musique est omni présente à travers la vocation contrariée du frère Frantz, les destinées contraires des deux génies russes, Horowitz, exilé aux E-U, hanté par son génie et ses pulsions homosexuelles, son goût de la lumière et des ovations, Richter, resté fidèle au pouvoir soviétique, homme de devoir, de silence et d’obscurité, l’un et l’autre n’ayant trouvé leur salut que dans la musique ( notamment p 319). Fugue comme musique et comme fuite, celle de Frantz qui s’échappe à la fin du livre dans la mort.

Ponctuellement surgissent des réflexions d’Oskar sur le monde, la vie en général et sur l’occident (p 221-226 ; p 248 et s ; p 375 p 394 et s). On comprend mieux à lire ces pages l’admiration de l’auteur pour Michel Houellebecq, dont l’œuvre tourne autour du suicide de notre civilisation, quand il évoque  «l’eau désaltérante de la tromperie » et accuse « les Occidentaux désarmés, dont je ne suis ici que le pâle porte-voix ». Autant de passages qui font écho à la page 14 qui clôt l’introduction en remettant ce livre au jugement de Dieu.

Reste la relation fraternelle qui est la trame de fond du roman. Oskar Wertheimer l’exprime ainsi page 339  en évoquant «  Toi Frantz, mon dissemblable, mon frère, mon remords et mon pardon » .

Etrange roman, à l’écriture riche et emportée, saupoudré de phrases en anglais, allemand et espagnol, de notes d’érudition sur la vie et la musique de grands pianistes, de grandes fresques et de multiples détails et qui laisse le lecteur interrogatif sur le message subliminal que l’auteur (caché derrière Oskar Wertheimer ? ) souhaite lui délivrer.

crédit photo francetvinfo

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Patrice Obert

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