Europe, la voie romaine
De Rémi Brague – Critérion idées – 1992
Je viens de retrouver mon commentaire, daté de novembre 1992, relatif à ce livre. Sans le modifier, je le mets en forme.
La thèse du livre de Rémi Brague est double au départ mais unique, à mon sens, à la fin.
Au départ, deux éléments :
1° Ce qui est unique en Europe, ce n’est ni la Grèce (dont l’Islam a également hérité), ni le judaïsme (présent très tôt au-delà de la Méditerranée), ni le christianisme (universel par définition), mais la romanité ( p 20-21).
2° La romanité, c’est d’être seconde par rapport à la culture grecque, qu’elle transmet ( p 32). « Etre romain, c’est faire l’expérience de l’ancien comme nouveau » ( p 35)
De là, Rémi brague tire une définition de la romanité (de la voie romaine) qui n’a rien à voir avec Rome. Etre romain, c’est ( p 36) être pris entre un hellénisme à hériter et une barbarie à subvertir
Cette « différence de potentiel » fait avancer l’Europe (p 39).
Puis, peu à peu, à l’insu du lecteur, surgit la véritable thèse de l’auteur ( fin du chapitre V), à savoir, en trois temps :
- Le christianisme est lui-même « second » par rapport au judaïsme (p 108-109). Or cette secondarité est relative au centre de son rapport à l’absolu, à Dieu. De la sorte, « cette secondarité interdit à toute culture qui se réclame du christianisme de se considérer elle-même comme sa source » (p 109).
- L’Europe, n’étant pas sa propre source, est restée ouverte à toutes les influences (absence de culture sacrée, de langue privilégiée p 146). La spécificité finalement de l’Europe, c’est moins un contenu (valeurs) que d’être un contenant ouvert sur l’universel ( p123)
- Par conséquent – élément central de la thèse -, le christianisme n’est pas seulement un des éléments constitutifs de l’Europe (comme les éléments grecs, romains ou juifs, ou autres) mais il constitue ( p 124) la forme même du rapport européen à l’héritage culturel.
Conclusion ( p 124 et 125) : la défense du christianisme a un sens très particulier pour l’Europe.
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Rémi Brague, dans le dernier chapitre, tire quelques conséquences pratiques :
- Page 160 : regret que la culture européenne soit mise sur le même plan que les autres civilisations
- Page 163 : L’Europe garde-t-elle en elle une « différence de potentiel » ?
- Réaffirmer une légitimité chrétienne de l’utilisation technique de la Nature ( s’en servir comme instrument des actes de liberté que l’homme pose)
- Réaffirmer la bonté du corps
- Que l’Europe soit « consciente de sa valeur et de son indignité » (p 169)
Novembre 1992.
On pourra également lire la critique du livre, par François Azouvi, parue dans Le Monde du 18/09/1992
crédit photo Le point