12 leçons sur le christianisme, de James Alison

12 leçons sur le christianisme, de James Alison

Desclée de Brouwer 2015 Crédit photo Commenwealth magazine

Répondant à une amie, je me suis aperçu que je n’avais pas posté la fiche de poste que j’avais rédigée en 2018 de ce livre pourtant essentiel. Aussi, je vous la communique aujourd’hui. Son actualité reste entière pour qui souhaite comprendre la foi chrétienne au regard de la théorie mimétique chère à René Girard. A l’époque, c’est sur les conseils de Jean-Marc Bourdin, un ami spécialiste de l’œuvre de René Girard et animateur du blog L’Emissaire, que j’avais lu le livre du prêtre catholique anglais James Alison.

C’est un livre tout à fait remarquable, fondé sur la pensée de René Girard, et qui se veut une lecture renouvelée de la foi chrétienne, en s’ appuyant sur les textes de l’ancien et du nouveau testament à la lumière du regard de la victime pardonnante, le Christ. Le livre est parfois un peu compliqué (du moins il m’a demandé de I ‘attention) mais I ‘auteur fait régulièrement des résumés qui permettent de mieux comprendre sa pensée. Il n’hésite pas non plus à utiliser des images ou à raconter des petites histoires (par exemple Mme Michu , p 192) qui nous aident à comprendre sa grille d’analyse. La pensée de René Girard apparait fortement à mon sens à deux moments. Page 23 avec le rappel de la théorie mimétique. Nous désirons ce que l’autre (qu’il appelle l’autre social) désire. L’homme grandit et se constitue par imitation. Page 400 avec le schéma explicatif de la société humaine, qui repose sur la victimation, laquelle, pour Girard, est antérieure à toute idée de contrat social. Une des forces du livre tient aux commentaires que James Alison fait de nombreux textes de l’AT comme du nouveau testament. Ces relectures sont passionnantes et soulignent le caractère complètement inédit de Jésus. Ainsi, Jésus recrée le monde (page 366 et suivantes et notamment la page 3 73). Il faut relire avec lui le récit des disciples d’Emmaus en Luc 24, 13-« ( page 44 et s). C’est fulgurant. La thèse de James Alison est que Dieu, qui EST, est une puissance d’amour infinie amortelle (c’est-à-dire qu’il ne connaît pas la mort) qui souhaite avec une patience, elle aussi infinie, nous induire dans un schéma de désir pour nous conduire à participer à son être. Cf p 120 sur Dieu et la mort. Cf page 148 sur la vie et la mort, avec des renvois à la page 304 et à la page 414.

Nous n’avons pas idée de ce à quoi nous sommes destinés. Nous sommes, dès à présent, des ressuscités ( ce que Jean-Michel Hirt nous expliquait aussi dans son ouvrage sur Saint Paul l ) à partir du moment où nous nous percevons comme aspirés par cet amour pour lequel la vie /la mort ne sont que des états différents de l’être.

I Paul, l’apôtre qui « respirait le crime » Jean-Michel Hirt — Actes sud 2014

Dieu se penche vers nous et utilise notre propension à vouloir imiter le désir d’autrui pour nous proposer de suivre le désir de Jésus. Face à la contemplation de l’amour de Dieu, « nous connaitrons notre péché dans le pardon que nous en recevrons » ( p 365). Autrement dit, Dieu nous aime tel que nous sommes, avec tous nos défauts et il veut juste que nous soyons capables de nous sentir pardonnés. Tous les textes analysés convergent vers ce désir infini de Dieu et dans le regard qu’il porte sur nous ( cf p 413 la lecture de l’hymne à la charité de saint Paul et les quelques pages 414 et s sur le regard de Dieu). C’est extrêmement fort et émouvant.

Voilà pour l’essentiel. Je noterai également de nombreuses définitions de la foi qui jalonnent l’ouvrage. J Alison prend à rebrousse-poil tout respect sourcilleux de la loi et cette religion moralisante qui dessèche le christianisme. P 385 : nous avons une religion de la grâce, non de la morale. Il insiste sur le fait que c’est Jésus lui-même qui fonde l’église ( p 222 et s : un peu compliqué mais passionnant). Il remet en cause notre idée du « je ». C’est le désir qui forme le « je », non le « je » qui préexiste ( p 289). On lira avec intérêt le commentaire de la parabole du Bon samaritain (p 390 et s) et la description du schéma de désir ( p 403). En lisant ce livre, on se dit qu’on tient dans sa main un trésor et, à peine l’a-t-on fini, qu’on voudrait le relire pour mieux s’imbiber de cette pensée renversante qui nous ouvre à un amour complètement transcendant.

Juste une petite interrogation : J Alison se moque que nous soyons des « gens biens », au contraire. C’est parce que nous nous savons incapables que nous saurons accepter le pardon, qui nous ouvre à l’immensité de l’amour de Dieu. Par contre, il n’aborde pas le mal que les humains se font entre eux et la façon dont cette part d’inhumanité, que nous nous témoignons régulièrement les uns aux autres, est justifiée/expliquée/transcendée. A moins que je sois passé à côté. N’hésitez pas à me signaler si vous captez son analyse sur ce point

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Patrice Obert

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