Révolution spirituelle et Lettre ouverte au monde musulman, de Abdennour Bidar

Révolution spirituelle et Lettre ouverte au monde musulman, de Abdennour Bidar

Edition Almora 2021 et Les Liens qui Libèrent 2015.

crédit photo en.wikipedia.org.

J’imagine Abdennour Bidar, cet homme qui se définit par l’appartenance à deux cultures, l’islam de sa famille, l’Occident de son éducation et de sa langue, qui parle de sa position d’ «isthme entre les deux mers de l’Orient et de l‘Occident (  P 5 LO), ce philosophe et universitaire reconnu pour ses nombreux ouvrages, dont plusieurs parus en 2015, année terrible des attentats en France, cet écrivain qui dans sa Lettre Ouverte (LO) apostrophe le monde musulman en le tutoyant et en se découvrant personnellement… et rien ne change ! 6 ans plus tard, assis à sa table, hésitant sur la façon d’écrire un nouvel essai, il est submergé par un flot de poésie et il rédige vite un poème épique en prose, une sorte de chant étonnant, ou plutôt un cri par lequel il reprend les mêmes thèmes, en appelle à une Révolution spirituelle (RS) et se livre davantage encore en parlant de l’expérience mystique que le petit garçon de 7/8 ans a connue en priant, jadis.

Comment ne pas voir dans cet homme un prophète du XXIème siècle !

Que nous dit-il ?  Nous vivons une phase de transition qui doit nous mener vers une « civilisation humaine de la fraternité universelle (p 58 LO) car l’humain a été créé pour être lui-même créateur dans une relation « à l’infini qu’il porte en lui-même et qui l’attend au-delà de lui-même » (p41 LO). Cet accouchement est difficile car il doit prendre acte que nos deux civilisations sont moribondes. L’une et l’autre, en miroir, ont perverti ce lien. L’Occident l’a coupé en nous mettant face au néant. Il ne nous offre plus qu’un univers de consommation, matériel, dominé par l’argent et la technique (p 39 LO). L’islam a utilisé ce lien pour ligoter les musulmans dans une « religion tyrannique, dogmatique, littéraliste, formaliste, machiste, conservatrice, régressive » (p20 LO). Ce que A Bidar résume dans une formule lapidaire (p 48 LO) « tandis que l’Occident a tranché le lien sacré entre l’homme et l’infini, toi   [cher monde musulman], tu étrangles l’homme avec ce même lien de  l’infini ». Les occidentaux accusent l’islam d’avoir mis en place un système de soumission, les musulmans accusent l’Occident d’avoir basculé dans le matérialisme.

Or le secret de l’islam, selon A Bidar, est d’avoir fait de chaque être humain le khalife de Dieu sur Terre (p10 LO). Mais l’islam est devenu une « religion politique, sociale, morale, devant régner comme un tyran aussi bien sur l’Etat que sur la vie civile, aussi bien dans la rue et dans la maison qu’à l’intérieur même de chaque conscience » (p18 LO). Quant à l’Occident, s’il a apporté les droits de l’homme, le progrès scientifique et la sortie de la religion (p 31 LO), il s’est dévoyé dans un hymne à l’individu, méconnaissant cet enseignement de toutes les sagesses, un être humain n’est rien sans les autres (p 43 LO). Comme l’Occident « ne connaissait plus rien à la magie du lien sacré, celle-ci s’est retournée contre lui en fabriquant aussitôt des liens diaboliques : [ceux] de l’aliénation des masses aux fascismes et aux totalitarismes du XXème siècle, les liens de servitude au capitalisme puis au libéralisme » (p52 LO).

Il est donc urgent de rétablir les liens à soi, aux autres, à l’univers ( p 54 LO). Ce mouvement concernera également les autres civilisations de la planète, comme la Chine et l’Inde, qui « vont devoir entrer à leur tour dans cette humble logique de la contribution globale, du partage mondial de leurs crises, de leurs maladies et de leurs remèdes » (p36)

Cette Lettre ouverte a été écrite en 2015 en s’appuyant sur la raison, la foi et « l’œil du cœur » (p 25 LO). Ce sont les mêmes ressorts qui guident la rédaction du poème de 150 pages qui nous appelle à une Révolution Spirituelle. Tout est perdu, nous sommes des demi-dieux, aussi inconscients que surpuissants (p 37 RS), mais tout est à réinventer. A Bidar s’adresse alors aux Résistants, qui sont de deux sortes, les Infiltrés (p 52 RS), qui œuvrent au cœur du système en refusant l’ego, et les Exilés (p 61 RS), qui refusent le système (p 75 RS). Ces tisserands de nouveaux liens travaillent sur deux plans, « le progrès éthique et spirituel de vos consciences, le progrès politique et matériel de vos existences » (p73 RS). Mais, pour mener ce combat, il faudra aux Résistants se détourner des sirènes allumées par le système en place et qui ont noms écologie, développement durable, économie verte, démocratie participative, égalité des droits et des chances, méditation… (p 90 et s). Il leur faudra une boussole intérieure qui est l’Esprit (p 91 RS) et qui requiert de consacrer sa vie entière à relier. Voici les trois liens d’or : le lien à soi, le lien à autrui, le lien à l’univers (p103/104 RS) : intériorité, fraternité, unité.

Cette traversée vers l’Esprit est une exigence de vie. A Bidar en fait le serment : « Cela je le désire plus que tout/et je vais y consacrer tout mon effort/jusqu’au bout/jusqu’à ma mort ». (p117 RS). Il nous livre alors (p 129 et s) le récit de cette expérience mystique mentionnée rapidement dans la Lettre Ouverte et nous   raconte cette rencontre avec l’Esprit qui l’a marqué pour la vie. Il nous indique qu’une autre rencontre a eu lieu, qu’il préfère garder secrète. « Si tu es prêt seulement/à payer comptant/le prix même de ta vie/Alors fonce vers l’Esprit/ Il t’attend » (p 142 RS). « De l’infini/ Tout est né/ De lui/ n’arrête jamais de couler/ Tout le créé/Comme d’une fontaine magique » (p150 RS). Le « philosophe spirituel » (p 87 RS), le mystique soufi, nous exhorte en épilogue à nous rassembler et à avancer, nous disant que « sa contribution s’arrête là » (p 159 RS). Tout reste à inventer pour « remplacer toutes les âmes mortes » (dernière page 160). 

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Patrice Obert

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