Manifeste pour un universalisme égalitaire alternatif à la mondialisation capitaliste
J’avais reçu la lecture de » La communion qui vient – Carnets politiques d’une jeunesse catholique », de Paul Colrat, Foucauld Giuliani et Anne Waeles ( Le Seuil 2021) comme un coup de poing dans la poitrine, qui s’était confirmé l’année suivante par celle de » La vie dessaisie – la foi comme abandon plutôt que la maîtrise », du seul Foucauld Giuliani ( Desdée de Brouwer) : originalité d’une écriture qui prétendait associer politique et foi, radicalité d’une pensée qui réécrivait des concepts traditionnels (comme la communion, la paroisse, l’enracinement, l’église), souffle détonnant qui n’hésitait pas à se revendiquer d’Emmanuel Mounier dans l’hymne à la personne et le goût de l’événement mais aussi l’éloge du pèlerinage, vision subtile d’un triangle associant par ces trois pointes l’Eglise ( lieu de l’écartèlement), l’Intériorité ( lieu de l’éclatement ) et le Monde ( lieu de l’abandon). On se réfèrera à mes fiches de lecture de ces deux ouvrages : www. patriceobert.fr/ mes fiches de lecture.
En 2021, des « carnets politiques d’une jeunesse catholique », en 2022, la foi comme abandon » : 2025 nous apporte un manifeste au titre court et alarmant « Urgence évangélique » associé à un long sous-titre. L’auteur est cette fois-ci, non un trio ni un solitaire, mais le Collectif Anastasis. Ce court livre de 60 pages a été présenté fin juin au Dorothy Café rue de Ménilmontant (20è arrondissement de Paris). Anastasis, du grec signifiant à la fois « résurrection » et « insurrection » nous est-il vite précisé, est un collectif de 17 amies et amis, qui se sont donné comme objectif d’articuler le théologique au politique, en ayant toutefois soin de rappeler très vite leur volonté d’agir concrètement : hier en « cirant les pompes des travailleurs et travailleuses » lors d’une manif contre les retraites le jeudi Saint, en impulsant le Festival des Poussières en 2023 ou le Rassemblement œcuménique contre l’extrême-droite Justice et Espérance en 2004 ; et demain en lançant un atelier de sérigraphie, une chaîne YouTube et une revue et en impulsant un pèlerinage.
« Urgence évangélique » proclame que le Royaume de Dieu est avènement de la Communion et que la foi chrétienne sera toujours du côté de la révolution de l’amour et de la justice. Cette Urgence se veut aussi résistance aux 40% de catholiques qui ont voté pour le Rassemblement National lors des législatives de juin 2024. Ce manifeste s’articule en quatre chapitres : Capitalisme et destruction du monde – Fascination du christianisme/christianisation du fascisme – Quelle théologie politique ? – Une foi sans frontière.
On pourra contester la vision un brin caricaturale et marxiste du capitalisme, que même saint Ambroise ( 339-397 ) aurait dénoncé ( sic), mais comment contester que ce modèle économique, surtout dans sa forme contemporaine et financière et sa recherche absolue du profit, n’est pas vraiment compatible avec la vie évangélique ? On ne pourra que saluer l’analyse de l’instrumentalisation d’un christianisme parfois bien ambigu par une extrême-droite avide de masculinisme, de revanche et de fierté, à l’image d’un JD Vance lors de son récent discours de Munich. Et comment ne pas ressentir dans la bouche cette sensation de « dégoût » pour les autres, si opposée à l’attitude bienveillante et d’accueil du Christ pour tous les « impurs » ? Comment ne pas être séduit par ce messianisme du trône vide, que porte le Messie face à toutes les formes de pouvoir, en recherchant le bien commun et en se mettant à l’école des plus pauvres ? Comment enfin gérer les tensions entre l’échelle internationale des défis majeurs (pandémies, climat, guerres), les Etats-Nations et l’universel ? En pensant, nous disent-ils « un cosmopolitisme qui transcende les appartenances nationales », une sorte de « Communion transnationale à construire par le bas ».
On l’aura compris, ce manifeste, à l’image des ouvrages précédents, est une sacrée provocation, un appel à la rencontre et au débat. On pourrait être tenté de faire la moue devant leur radicalité, la vigueur de leurs expressions, l’utopie de leurs convictions ! Mais comment ne pas saluer ce grand bain de fraîcheur, cette source vivifiante de foi, ce témoignage si réconfortant que l’Esprit, aujourd’hui, continue de souffler et de bousculer nos petits prés carrés !
Effectivement on ne peut qu’être interpellée par le fait que 40 % des catholiques ( je ne sais pas si on parle des pratiquants ou de ceux qui se déclarent catholiques ?) votent RN . Ce parti véhicule une idéologie d’exclusion vis a vis de l’étranger contraire aux valeurs de partage et de solidarité. Cela illustre le fait que chez certains catholiques c’est le réflexe conservateur qui l’emporte. On l’a vu avec le combat mené par eux contre le mariage pour tous . Cela doit interpeller l’église que les progressistes s’éloignent de plus en plus d’elle.