Quand l’Occident s’empare du monde, de Maurice Godelier,

Quand l’Occident s’empare du monde, de Maurice Godelier,

Sous-titre : Peut-on alors de moderniser sans s’occidentaliser ?

CNRS éditions, 2023 – Crédit photo Lemonde.fr

Vous souhaitez comprendre les grandes évolutions du monde au regard de l’histoire et les mouvements actuels de la géo-politique mondiale ? Alors, lisez ce livre qui, en 450 pages sobres et claires, vous restitue le sens du temps long, vous permet de connaître et comprendre les évolutions des grandes nations du monde et vous offre des synthèses lumineuses.  Cette gageure tient à l’angle retenu par l’auteur, Maurice Godelier, anthropologue français de grande réputation. En réalité, l’auteur s’attache à deux questions, d’une actualité brûlante. Tout d’abord : Comment l’Occident a-t-il commencé, à compter du XVè siècle, sa mainmise sur l’ensemble du monde, puis au fil du temps, a-t-il dominé l’ensemble des continents ? Et ensuite :  pour faire face à cette puissance occidentale, comment les pays ont-ils articulé/subi/évité modernisation et occidentalisation ?   Autrement dit, c’est le sous-titre du livre qui sous-tend la réflexion.

L’ouvrage s’organise en trois parties : La mainmise de l’Occident sur le monde, puis le grand tournant du XXè siècle avec les deux guerres mondiales, décisives, enfin Vers un autre monde avec un triple regard, sur le monde musulman, sur l’évolution du mode de production socialiste et enfin sur le capitalisme mondialisé.  Le lecteur trouvera à chaque étape des monographies sur l’évolution des grands pays, Iran et Turquie, Japon, Inde, Chine, Russie/URSS/Russie et d’autres régions singulières.

La vision, largement argumentée, de l’auteur est synthétisée page 454 et 455 : Notre domination occidentale, par le feu et le sang, s’est construite sur le désir de richesse, de puissance et de gloire, s’est appuyée sur la science, l’administration et l’armée, et s’est légitimée par une noble raison, christianiser ou civiliser, selon les époques. Face à cette puissance, tous les Etats ont cherché à se moderniser, prioritairement en améliorant leur armée, et donc leur industrie, selon le modèle occidental. Certains, comme le Japon, ont su résister mieux que d’autres à l’occidentalisation des mœurs ; d’autres, à trop forcer l’allure ont provoqué de violents chocs en retour ( Turquie, Iran), d’autres s’efforcent  de trouver leur voie propre (pays musulmans, Inde,Chine) en s’appuyant sur la conviction de leur propre supériorité morale et culturelle, voire spirituelle.

L’auteur, à juste raison, ne se risque pas à prédire l’effondrement de l’Occident ou la poursuite de sa suprématie. Il prend acte qu’un nouvel ordre mondial se met en place, structuré par le mode de production et d’échanges capitalistes (p 426), mais sans extension de la démocratie « un régime politique qui fait peur » (p458), et dont nous devons accepter de comprendre qu’elle ne s’exporte pas et qu’il faut l’enrichir et la protéger.

L’auteur reconnaît en fin d’ouvrage que la Nature est la grande absente de ce livre. Il l’évoque, certes, au fil des pages mais la conclusion aurait mérité de s’interroger sur le défi mondial que représente le changement climatique. Pour faire face à ce défi, l’humanité sera-t-elle capable de dépasser la mondialisation réalisée sous les auspices de l’Occident ? N’est-ce pas l’ampleur du défi qui peut entrainer une prise de conscience de notre Humanité et nous obliger à définir un universel co-élaboré par toutes les cultures ?

Un livre passionnant, qui nous permet également de porter un regard renouvelé sur notre vocation d’Européens à moins d’un an des prochaines élections.

 NB On lira avec intérêt la « figure libre » que Roger-Pol droit a consacré à ce livre dans Le Monde du 23 juin 2023 (et qui m’a donné envie de le lire)

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Patrice Obert