Faire (re)naître la démocratie – de Pierre-Olivier Archer, Jean Laversanne, Guillermo Martin, Patrick Plantier, Jo Spiegel

Faire (re)naître la démocratie – de Pierre-Olivier Archer, Jean Laversanne, Guillermo Martin, Patrick Plantier, Jo Spiegel

Ed. Chronique sociale avril 2013

L’intérêt de ce livre est triple :  il tient d’abord à la personnalité des auteurs, qui ont des responsabilités, se tenaient jusqu’ici dans une certaine discrétion et se désignent comme des « contestataires intégrés » (p 11), faisant preuve avec cette parution d’un vrai courage politique ; ensuite, dans le fait qu’ils présentent des propositions précises, concrètes, s’appuyant sur des expériences de terrain ; enfin  parce qu’ils entendent lancer un débat en appelant à des réactions car ils n’ont pas la prétention de tout savoir et de tout régler.

On lira attentivement l’introduction (p 13 à 17) dans son diagnostic que notre démocratie ne fonctionne plus bien. Une raison domine : le lien entre les élus et les citoyens est coupé et est à reconstruire. Cette ligne guide l’ensemble de l’ouvrage et lui donne sa colonne vertébrale. Elle se retrouve ensuite dans les quatre chapitres. Notons que chaque chapitre se clôt par une synthèse d’une page et que quatre pages, en fin de recueil, récapitulent les propositions d’expérimentations.

Le premier chapitre, dû à Jo Spiegel, Maire de Kingersheim, président délégué de Mulhouse Sud Alsace Agglomération, conseiller général et vice-président de l’Association des Communautés de France, traite de la Haute exigence démocratique, qu’il considère comme un préalable à une démocratie exigeante. Il s’appuie notamment sur ce qui a été fait à Kingersheim (p 32) et à Mulhouse (p38) et  fait référence au Pacte civique qu’anime Jean-Baptiste de Foucault. Ce pacte « dispose qu’il n’y a pas de transformation en profondeur et durable sans un triple changement, des politiques, des organisations et des personnes » (p37).

Le deuxième chapitre, écrit par Guillermo Martin, consultant, met l’accent sur la refondation de la citoyenneté.

Le troisième chapitre, rédigé par Pierre-Olivier Archer, traite de la fin du cumul des mandats. Il en rappelle les règles actuelles (p 66), résume les propositions du rapport Jospin (p 68), fait une approche comparative en Europe (p 69) et conclut à deux principes fondateurs : l’interdiction stricte de tout cumul des mandats et la limitation à deux du nombre de mandats successifs sur un poste, tout en prenant en compte une certaine durée pour mettre en place ces deux règles.

Le chapitre 4 traite de l’organisation des pouvoirs locaux, ce qu’on désigne d’ordinaire par « la réforme territoriale », et insiste sur trois concepts : subsidiarité, décentralisation, péréquation. On lira avec intérêt l’encadré de Jo Spiegel sur la réforme ratée en Alsace suite au référendum local.

Qu’en retenir ? Trois axes se dégagent :

1° Adapter le processus démocratique. Se faire élire tous les cinq (ou six) ans et revenir devant les électeurs n’est, chacun en convient, plus adapté au rythme de nos vies quotidiennes, ni aux aspirations des citoyens. Cinq étapes doivent scander un processus destiné à concerner les habitants, de telle sorte qu’ils s’approprient les décisions. Ces cinq étapes sont :

  1. La délibération, qui ouvre le processus, manifeste la volonté des élus et donne la direction proposée et le sens de la mesure envisagée.
  2. L’élaboration, qui traduit un travail de co-production et permet l’information des citoyens, leur formation et la prise en compte de leurs compétences et de leurs avis.
  3. La décision, qui relève des élus.
  4. L’implication, qui vise à la bonne mise en œuvre de la décision par l’association des citoyens
  5. Le compte-rendu, qui assure un retour d’information.

L’ensemble de ce processus peut intégrer des dispositions trop souvent encore inusitées comme le référendum d’initiative populaire, la mise en place de budgets participatifs, l’appel à l’initiative citoyenne. Ceci est possible pour de petites comme de grandes collectivités, selon des modalités adaptées, bien entendu. Les exemples alsaciens (et parisiens) en attestent.

2° Renouveler les acteurs. Deux axes majeurs s’imposent : associer au processus l’ensemble des acteurs et traiter enfin le statut de l’élu.

Le processus doit faire appel à tous les acteurs : aux habitants (en veillant à ne pas reconstituer une caste de « bien-informés »), aux élus et à leurs collaborateurs, enfin aux partenaires associatifs, institutionnels et socio-économique. Cette troisième catégorie fait référence aux corps intermédiaires. Dans une démocratie active, ces corps sont essentiels.

Le statut de l’élu est un dossier-clé. Être élu est une mission temporaire. Ceci porte de nombreuses conséquences :

  • Chacun doit pouvoir être élu (actuellement seuls 6% des députés sont issus des catégories sociales ouvriers et employés quand ces deux catégories représentent la moitié de la population active française- p73). Ceci suppose une formation adéquate pour les postulants
  • Il doit être interdit de cumuler plusieurs mandats
  • Il convient de limiter à deux  le nombre de mandat successifs
  • L’élu doit avoir un parcours professionnel sécurisé, sans avantage particulier pour les membres de la fonction publique.

3°Adapter l’organisation de nos pouvoirs locaux.  La France passe son temps à réorganiser son organisation territoriale tout en prenant soin de ne jamais supprimer aucun échelon. Ainsi se sédimentent les communes, les regroupements de commune, les conseils départementaux, les communautés d’agglomération, les métropoles, les conseils régionaux,  sans oublier les différents syndicats techniques, et en gardant à l’esprit l’Etat et le niveau européen. C’est trop et trop coûteux. Il est ici proposé de disposer de deux modèles d’organisation (p 95 et s), l’un pour l’espace rural et périurbain (autour d’une articulation région/département/intercommunalités), l’autre pour l’espace urbain (autour d’une articulation région/métropoles/intercommunalités), le tout accompagné d’une véritable réforme de la fiscalité, toujours annoncée, toujours repoussée.

Les idées sont fortes et claires. On peut regretter la brièveté de la réflexion sur la fonction et l’organisation de l’Etat (p98) dans le chapitre sur l’organisation territoriale. Mais, sinon, l’ensemble des idées émises convergent afin de revivifier une démocratie aujourd’hui bloquée, avec tous les risques que cela représente. Les Poissons roses ne peuvent que défendre cet ouvrage qui correspond à leur vision de la démocratie.

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Patrice Obert