Génie de la France, de Abdennour Bidar.

Génie de la France, de Abdennour Bidar.

Edition Albin Michel, 2021.

crédit photo en.wikipedia.org.

Nous étions restés sur l’envoi de Révolution Spirituelle, cet étrange livre-poème que Abdennour Bidar concluait en nous indiquant (p 159 ) que sa contribution s’arrêtait là. Que s’est-il donc passé pour que le philosophe revienne si tôt sur la place littéraire avec un nouveau livre ?  Sa découverte du Génie de la France, pas moins.

Quel est donc ce génie ? celui de dire non à tout sacré, tant religieux que politique (p 51, 62…)

L’intérêt du livre tient pourtant à une autre déclaration, qui figure page 114 «La séparation des Eglises et de l’Etat est liaison autant que déliaison, liaison du spirituel et du politique opérée par la déliaison même du religieux et du politique ». Ceci a pour conséquence que la laïcité « permet à la société gouvernée par un Etat laïque d’exister comme un écosystème spirituel » (p 123). La thèse du livre se découvre alors, (p 157 et s). Nous devons nous orienter « vers une nouvelle alliance du spirituel et du politique »  nous permettant de développer une spiritualité laïque.   Du coup, la laïcité selon A Bidar, se définit comme une « double ascèse » (p191) : une ascèse individuelle de chacun (face à la paresse ou la lâcheté de sa pensée, aux illusions et aux vanités de son ego) et une ascèse de l’Etat, qui doit faire respecter la neutralité de l’Etat.

Est-ce une découverte ? Nous savions que la laïcité est un cadre vide permettant à chacun de croire ou de ne pas croire. (A Bidar insiste d’ailleurs sur cette notion de vide (p 139 et s).  L’intérêt vient plutôt du diagnostic établi page 193 « Nous avons tellement voulu séparer le religieux du politique… que toute vie spirituelle a été abandonnée… alors même que c’est seulement par le travail spirituel qu’on se sépare réellement de la volonté de puissance…. grâce au vide qu’on fait en soi ».

Dans cette démonstration, qui aurait pu être plus condensée, quelques passages sont particulièrement intéressants, notamment le chapitre intitulé « Face au puissant défi de l’islam » (p 75 et s) et particulièrement les 8 pages consacrées à « l’école républicaine sous tension ». Ou le passage sur l’iconoclasme monothéiste (p 165 à 172) qui crée une continuité avec notre modernité politique[1]

Quelques observations toutefois :  le mot sainteté est cité une fois (p 129). Toute la démonstration s’arcboute contre le sacré et ses manifestations politiques et religieuses. Or, comment passer sous silence que la révélation chrétienne ne tend pas vers le sacré mais vers la sainteté de chacun ? De même, le lien particulier mais essentiel, mis en évidence par Dominique Reynié[2], entre démocratie et christianisme n’est pas assez pris en compte. Enfin, cette spiritualité laïque a-t-elle des chances de tenir sans être abreuvée par les références des religions et des sagesses ? A Bidar, par ses références littéraires nombreuses et variées, témoignent a contrario combien elles restent essentielles.


[1] Passage auquel j’ai été particulièrement sensible, ayant écrit en 2006 « Modernité et Monothéisme » éd Karthala

[2]  Cf l’introduction de « Le XXIème siècle du christianisme », Le cerf 2021

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Patrice Obert