Tallandier 2021
J’ai la chance de connaître Yann Boissière, que j’ai entendu à plusieurs reprises notamment lors des colloques interreligieux de l’abbaye de Saint Jacut. Son enthousiasme, son charisme, sa générosité, sa gentillesse, son sens de l’humour et de la pédagogie font de ses interventions un plaisir toujours renouvelé.
Après avoir lu son livre, je me suis interrogé sur le titre « heureux comme un juif en France ? ». Yann Boissière pose une question à laquelle il ne répond pas. Il nous laisse penser qu’il est heureux, à titre personnel, dans cet engagement de rabbin, mais implicitement. Quant aux autres juifs, on ne sait pas. La phrase de Heinrich Heine (qu’il cite page 61) est une affirmation « Heureux comme Dieu en France ». A moins que Yann Boissière ne souscrive à l’interprétation que Saül Bellow donne de cette phrase et qu’il rapporte en page 74.
De ce livre, je retiendrai quelques traits qui en font le charme
Tout d’abord, dès l’ouverture, le récit très personnel de sa conversion.
Ensuite, page 110, sa conviction profonde, qui irrigue le livre : «Les porteurs de spiritualité, aujourd’hui, doivent sortir de leur écosystème et « se lancer ». dans des petits formats, dans des rencontres « hors lieu d’exercice », où ils parlent à la première personne, avec leur foi mais aussi avec leurs doutes. Avec une écoute, surtout. »
La page 31 clôt la présentation très pédagogique du judaïsme (le rôle du rabbin p 20/21 ; la place du judaïsme libéral p 22 et s) : « Il s’agit d’introduire de la modernité dans le judaïsme pour placer le judaïsme au cœur de la société ».
Les 5 raisons de l’antisémitisme : (en pages 34, 42 et 55) : l’antijudaïsme chrétien, l’antisémitisme racial de l’extrême-droite (ces deux formes relevant plutôt du passé), celui porté par la culture musulmane en écho au conflit israëlo-palestinien, un antisionisme de l’extrême gauche et enfin une demande aux Juifs de cesser de capter « l’attention ».
Les trois événements qui ont marqué l’histoire juive durant le dernier siècle (p75) : l’impact de la modernité, la Shoah et la recréation de l’Etat d’Israël en 1948. Ce dernier sujet occupe une place non négligeable dans le livre ( p 79 et s et p 105 et s).
Enfin, l’engagement très fort de Yann Boissière dans le dialogue interreligieux et interconvictionnel. Le sous-titre du livre est d’ailleurs « Réflexions d’un rabbin engagé ». Il y consacre près de la moitié du livre, décrivant les enjeux et les modalités du dialogue des juifs, d’une part avec les chrétiens, d’autre part avec les musulmans. Ce dialogue, au cœur de sa personnalité, s’inscrit dans l’Association Les Voix de la Paix qu’il a fondée. « Parce qu’elle prend en compte de manière positive les convictions de chacun, sans s’enfermer dans les aspects confessionnels du « croire » ou du « ne pas croire », l’approche interconvictionnelle offre une perspective qui fait écho au dispositif laïc » (p147).
Un livre de conviction, généreux, clair et convainquant, empreint de ce désir d’enseigner qui est au cœur de la vocation du rabbin Yann Boissière.