Entrer dans une pensée – de François Jullien

Entrer dans une pensée – de François Jullien

Gallimard – 2012

Ou comment parler d’une pensée qui n’est pas la sienne quand, en parler ainsi, c’est déjà penser dans sa propre culture ?

Le bréviaire kantien : Qui puis-je ? Que dois-je faire ? Qu’ai-je le droit d’espérer ?  est-il si commodément exportable ? p 21

Cf la page 24 où ses amis lui disent que les grecs ont déjà pensé tout le champ du possible en développant systématiquement les contradictoire. Certes, « mais configurés d’une certaine façon, déjà pliés selon certains choix qu’ils ne pensaient pas, dont ils ne doutaient pas…, qu’ils ne pensaient pas à penser »

Enjeu : que  la raison européenne accepte de se dé- et re-catégorier,  càd de revenir sur ses implicites. P 29, avec en p 32 les interrogations que la pensée européenne commence à se poser

La pensée chinoise

C’est d’abord essentiellement la pensée qui s’exprime en chinois

F. J part  de la première phrase du Yi-Ling ou « classique du changement » et la décrit p 43 et s

Capacité initiatrice :

Qian

Commencement   essor   profit   rectitude

Yuan                         heng      li           zhen

p 51 et s,  La pensée chinoise n’interroge pas. Elle « est partie de là – ni de l’Être, ni de Dieu. Elle n’est pas partie de l’opposition de l’Être et du devenir, ou de la vérité et de l’apparence, comme le fait la métaphysique grecque en dédoublant le monde. Mais elle pense la capacité initiatrice investie dans la formation de tout procès (celle du « ciel »), se développant en polarité (avec la « Terre ») et qui va son chemin : de sorte que du procès s’amorce – se déploie- se positive –se renouvelle, la non-déviation de son cours, telle est la vertu du Ciel, étant la condition de son renouvellement. Elle n’est pas partie non plus d’un Sujet premier, auteur ou créateur, mais pense l’opérativité engagée dans tout cours – discrètement, en silence, avec ténacité, que ce cours soit du monde ou de la conduite. Ni dramatisation, ni raisonnement…. Cette phrase fait boucle dans son enchaînement, de la « rectitude » sur laquelle elle s’achève à un nouveau « commencement ». Pas d’énigme à déchiffrer, pas d’inquiétude à résorber. »

P62 avec cette question « cet ordre si bien régulé ne servirait-il pas de machine à obéissance ? Ne faudrait-il pas poser un Extérieur au monde pour renverser cette harmonie »

P 75 peut-on parler de sens ? Cette phrase échappe parce que rien n’accroche.

P 76 cette phrase n’explore pas un sens, elle élucide une « cohérence »

P 149 Comment traduire un pensée, sans syntaxe, sans construction

Quelques indices saisis au fil de la lecture

Pensée chinoisePensée hébraïquepage
Une pensée des processus (ne réclamant que  déroulement et durée)Une pensée du Temps (et d’abord le cadre de la semaine)68
Le chinois ne conjugue pas, il s’exprime en quelque sorte à l’infinitif Le chinois ne décline pas 68
Le chinois ne connaît pas la distinction des voies passive et active 68
Le chinois ne marque ni le pluriel , ni le singulier, ni temps, ni mode  
L’absolu, s’il absolu il y a, n’est pas dissocié du monde, il en est la « voie », tao,Un Dieu créateur au commencement69
La lumière accompagne tout déroulementLa lumière s’oppose aux ténèbres71
régulationOrientation (destination) 
Procèsprogrès 
L’homme est compris dans cette trame « chaîne et trame » qui tisse le procès du mondeL’homme seul créé à l’image de Dieu 
La parole n’intervient pas. Le livre relève du tracé (renvoi aux idéogrammes, qui renvoient à la notion d’adéquation).  Le Ciel ne parle pas. Les saisons suivent leur cours, des êtres adviennent : quel besoin le Ciel aurait-il de parler ?C’est par la parole que Dieu crée. «  Or Dieu est l’Autre qui me parle »77   79
La pensée  chinoise ne pense pas « l’éternel »  mais le « sans fin »  
Raisonne en termes de transformationL’un ou l’autre148
Raisonne en termes de spiritualisation(yang) ou d’opacification(yin)Dieu existe ou n’existe pas148

La pensée chinoise ne s’insère pas dans  la grande tension née entre la Grèce et la Bible p 86

Sur l’absence de Mal p 95 et s :

 La pensée chinoise régule, maintient en équilibre ce qui ne cesse de se transformer.

La phrase ne donne pas un récit. Ni crime, ni châtiment. Pas de tragique à craindre, de salut à espérer.

P95 la capacité d’initiative, purement yang, est totalement positive ; la capacité qui fait couple avec elle, réceptrice, de nature Yin, l’est également. On passe d’un état à un autre, avec le souci de garder l’harmonie

La Chine a une vision cosmologique, la Grèce mythique, la Juive théologique.

Chapitre XIII sur « outil grec/formulation chinoise »  se termine sur la question du « to be our not to be » et conclusion p 149

Sur la traduction : ch 14 la double caractéristique de la pensée classique européenne repose sur la construction de l’Être (ontologie) et du Sens (prédiction). (avec  lesquels la Modernité a rompu ( ?). Or le Sens suppose le Sujet

F.J identifie un péril (p 173) : que, sous la couche occidentalisée,(mondialisante) se reconstitue une couche identitaire, autochtone, qui durcisse et s’isole.

En conclusion p175 il s’interroge sur l’universalité de notre propre pensée

On lira p 180 à 183 une sorte de résumé que F.J fait lui-même des trois approches, hébraïques, grecque et chinoise.

NB On lira dans la même veine « L2015e paradoxe du poisson rouge » de  Hesna Cailliau, paru en 2015, Ed . Saint Simon

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Patrice Obert