Une France à réinventer, pour un partage du bien commun – de Régis Passerieux

Une France à réinventer, pour un partage du bien commun – de Régis Passerieux

Les éditions de Paris Max Chaleil- 2017

Difficile de résumer ce livre qui est comme un torrent impétueux, à l’image de son auteur qui nous emporte avec une verve contagieuse dans une vision spirituelle et politique de l’humanité et de l’histoire du monde. Quatre parties scandent le livre :

 La malédiction. Elle s’impose comme la grande cause de tous nos déboires. Page 54 : «Cette malédiction du monde est née de l’Europe. Nourrie de l’ivresse de la puissance, la corruption des âmes y a placé l’homme au sommet de la création et de la nation, le peuple et les idées abstraites au firmament de l’histoire. L’homme est devenu l’absolu maître de lui-même. L’équilibre spirituel a été rompu et la volonté de dominer a tout emporté… ». Une malédiction semblable avait frappé Israël. De même « qu’Israël s’est dissout hier dans l’Europe pour l’extirper, au prix de sa propre malédiction, de la barbarie de l’Empire et lui transmettre le relai douloureux mais sublime de l’errance spirituelle ». R Passerieux y reviendra dans la conclusion, rappelant que l’homme s’est pris pour l’inventeur de la raison et non pour son réceptacle. Cette trahison de l’Europe s’est produite lentement et s’est cristallisée en France, en 1793 (page 27). Elle éclate dans la tuerie de 1914 et nous ne nous en sommes pas encore remis, malgré des tentatives de redressement, notamment après 45.

Il faut donc rebâtir les fondations (deuxième partie), en «renonçant à toute tentation de puissance, même civile et économique ; en acceptant… que cet apport, ce témoignage de l’expérience, ne replace pas mécaniquement [l’Europe] au centre matériel d’un monde où « l’égalité des conditions » de Tocqueville se conjugue désormais aussi entre les nations » (p 105). Cette Europe doit s’adosser à trois principes : l’universalisme (né avec Paul de Tarse et illustré par Erasme), la bienveillance, qui rejette la réalisation infinie de l’égo et la maximisation des plaisirs, et le libre-arbitre. Ainsi, elle développera une économie du bien (on serait tenté de lire «économie du lien »), qui repose sur deux principes (p 96), le partage et la responsabilité. L’Europe qui est  (p 20) « une aventure intérieure » doit jouer là un rôle majeur et la France y « détient une particulière responsabilité» (p 110).

Régis Passerieux place alors notre génération (celle des quinquas, la sienne) face à ses responsabilités et il nous exhorte à nous reprendre et à nous engager (troisième partie « Chrétien et engagés aujourd’hui »). Car, face à cette « société du ricanement » (p127) qui oppresse la vie de l’esprit,  il faut  mener un combat spirituel . « Le droit à la spiritualité est un socle » (p132).  Il en prend courageusement deux exemples, l’avortement et le mariage homosexuel, en énonçant les fausses bonnes raisons de se taire qui seraient le respect de la laïcité, le respect du droit des minorités et la peur de glisser vers un conservatisme rétrograde. Il appelle les chrétiens à quitter leurs complexes et leur repli et à faire revivre l’identité de la France, héritée de la grâce. Il est en effet essentiel de transmettre nos valeurs et que les élites cessent de trahir (158).Il termine cette troisième partie par l’énoncé de sa conviction (p150) : « J’appelle pour ma part chacun, si telle est sa conviction, au courage de s’assumer chrétien et responsable politique, même et avant tout, dans une République laïque ». Et il ajoute « il revient aux dirigeants des temps difficiles de dire la vérité, au risque de leur pouvoir. Les temps de drame que nous commençons à traverser exigent des dirigeants de bois » (p 168).

Il faut donc Agir (quatrième partie) en contaminant par l’exemple (p 154) et en développant une « économie du partage » (chapitre 15). Dans ce chapitre, R Passerieux développe  sa vision d’une économie guérie de sa financiarisation et attentive à son capital humain et environnemental tout autant que de son capital financier. « Une économie juste est une économie plus efficace, y compris en terme de rendement financier » (p 174). Il propose deux priorités économiques à l’Union européenne : la mise en place d’un statut favorable aux entreprises qui investissent dans leur capital humain et environnemental et des aides de l’Etat en faveur des investissements d’avenir. Il défend le droit au travail (p 156), défend un « socialisme de la production » (p 184), milite pour une juste répartition,  prône un « paritarisme girondin » qui vise à décliner les accords sociaux à l’échelon des vallées et des filières industrielles locales (p 187), sans exclure au niveau régional « un revenu universel, revenu de libre activité, qui soit doté d’une contrepartie : l’alternance et l’obligation d’acquisition de compétences » (p 188). Ça passe aussi par la mise en œuvre d’un Code du droit de l’activité, parallèle au code du travail ?

Une phrase de la conclusion témoigne de l’angoisse de l’auteur et de la gravité des enjeux : « Où sont les pères d’Israël, les pères de l’Europe, les pères des nouveaux mondes ? Où sont les pères dans les cités, dans les banlieues, dans les entreprises ? «  (p 215).  Nous sommes invités, voire mis en demeure, de chausser avec courage nos convictions et de nous engager dans un combat spirituel auquel nous n’avons pas le droit de nous dérober.

Le Poisson Rose que je suis  a lu avec beaucoup d’intérêt cet ouvrage, très bien écrit,  emporté par une foi enracinée dans le cheminement personnel de l’auteur. J’y ai retrouvé beaucoup de thèmes que nous partageons, mais avec les mots de Régis : le besoin d’une Renaissance d’une Europe qui a oublié dans son essor les dimensions humaines et environnementales, la nécessité de réformer l’économie mondiale pour assurer un développement plus efficace pour tous, l’importance capitale de l’Europe , mère de la mondialisation,  pour défendre un modèle nouveau via le témoignage, son analyse de la Chine et ses critiques des Etats-Unis, l’effilochement spirituel de nos sociétés occidentales. Le dernier mot de mon ouvrage de 2013 « Un projet pour l’Europe » était le mot « espérance ». Régis Passerieux termine sur le mot « malédiction ». Ce mot donne à sa réflexion et à son livre toute sa gravité et souligne le caractère d’urgence  de la situation, comme si nous étions à la veille d’un combat manichéen susceptible de tout emporter. Il est vrai que la lecture des événements mondiaux  peut parfois effrayer. Je  veux espérer malgré tout que « Dieu écrit droit en dessinant des courbes », même si nous sommes sans doute engagés dans une de ces courbes dont nous ne maîtrisons ni la forme, ni la trajectoire, ni la durée. Puissent nos engagements communs se conjuguer au service de cette bienveillance que nous appelons l’un et l’autre de nos vœux.

Patrice Obert

Fiche de lecture

Une France à réinventer

Pour un partage du bien commun

de Régis PASSERIEUX

Les éditions de Paris Max Chaleil- 2017

Difficile de résumer ce livre qui est comme un torrent impétueux, à l’image de son auteur qui nous emporte avec une verve contagieuse dans une vision spirituelle et politique de l’humanité et de l’histoire du monde. Quatre parties scandent le livre :

 La malédiction. Elle s’impose comme la grande cause de tous nos déboires. Page 54 : «Cette malédiction du monde est née de l’Europe. Nourrie de l’ivresse de la puissance, la corruption des âmes y a placé l’homme au sommet de la création et de la nation, le peuple et les idées abstraites au firmament de l’histoire. L’homme est devenu l’absolu maître de lui-même. L’équilibre spirituel a été rompu et la volonté de dominer a tout emporté… ». Une malédiction semblable avait frappé Israël. De même « qu’Israël s’est dissout hier dans l’Europe pour l’extirper, au prix de sa propre malédiction, de la barbarie de l’Empire et lui transmettre le relai douloureux mais sublime de l’errance spirituelle ». R Passerieux y reviendra dans la conclusion, rappelant que l’homme s’est pris pour l’inventeur de la raison et non pour son réceptacle. Cette trahison de l’Europe s’est produite lentement et s’est cristallisée en France, en 1793 (page 27). Elle éclate dans la tuerie de 1914 et nous ne nous en sommes pas encore remis, malgré des tentatives de redressement, notamment après 45.

Il faut donc rebâtir les fondations (deuxième partie), en «renonçant à toute tentation de puissance, même civile et économique ; en acceptant… que cet apport, ce témoignage de l’expérience, ne replace pas mécaniquement [l’Europe] au centre matériel d’un monde où « l’égalité des conditions » de Tocqueville se conjugue désormais aussi entre les nations » (p 105). Cette Europe doit s’adosser à trois principes : l’universalisme (né avec Paul de Tarse et illustré par Erasme), la bienveillance, qui rejette la réalisation infinie de l’égo et la maximisation des plaisirs, et le libre-arbitre. Ainsi, elle développera une économie du bien (on serait tenté de lire «économie du lien »), qui repose sur deux principes (p 96), le partage et la responsabilité. L’Europe qui est  (p 20) « une aventure intérieure » doit jouer là un rôle majeur et la France y « détient une particulière responsabilité» (p 110).

Régis Passerieux place alors notre génération (celle des quinquas, la sienne) face à ses responsabilités et il nous exhorte à nous reprendre et à nous engager (troisième partie « Chrétien et engagés aujourd’hui »). Car, face à cette « société du ricanement » (p127) qui oppresse la vie de l’esprit,  il faut  mener un combat spirituel . « Le droit à la spiritualité est un socle » (p132).  Il en prend courageusement deux exemples, l’avortement et le mariage homosexuel, en énonçant les fausses bonnes raisons de se taire qui seraient le respect de la laïcité, le respect du droit des minorités et la peur de glisser vers un conservatisme rétrograde. Il appelle les chrétiens à quitter leurs complexes et leur repli et à faire revivre l’identité de la France, héritée de la grâce. Il est en effet essentiel de transmettre nos valeurs et que les élites cessent de trahir (158).Il termine cette troisième partie par l’énoncé de sa conviction (p150) : « J’appelle pour ma part chacun, si telle est sa conviction, au courage de s’assumer chrétien et responsable politique, même et avant tout, dans une République laïque ». Et il ajoute « il revient aux dirigeants des temps difficiles de dire la vérité, au risque de leur pouvoir. Les temps de drame que nous commençons à traverser exigent des dirigeants de bois » (p 168).

Il faut donc Agir (quatrième partie) en contaminant par l’exemple (p 154) et en développant une « économie du partage » (chapitre 15). Dans ce chapitre, R Passerieux développe  sa vision d’une économie guérie de sa financiarisation et attentive à son capital humain et environnemental tout autant que de son capital financier. « Une économie juste est une économie plus efficace, y compris en terme de rendement financier » (p 174). Il propose deux priorités économiques à l’Union européenne : la mise en place d’un statut favorable aux entreprises qui investissent dans leur capital humain et environnemental et des aides de l’Etat en faveur des investissements d’avenir. Il défend le droit au travail (p 156), défend un « socialisme de la production » (p 184), milite pour une juste répartition,  prône un « paritarisme girondin » qui vise à décliner les accords sociaux à l’échelon des vallées et des filières industrielles locales (p 187), sans exclure au niveau régional « un revenu universel, revenu de libre activité, qui soit doté d’une contrepartie : l’alternance et l’obligation d’acquisition de compétences » (p 188). Ça passe aussi par la mise en œuvre d’un Code du droit de l’activité, parallèle au code du travail ?

Une phrase de la conclusion témoigne de l’angoisse de l’auteur et de la gravité des enjeux : « Où sont les pères d’Israël, les pères de l’Europe, les pères des nouveaux mondes ? Où sont les pères dans les cités, dans les banlieues, dans les entreprises ? «  (p 215).  Nous sommes invités, voire mis en demeure, de chausser avec courage nos convictions et de nous engager dans un combat spirituel auquel nous n’avons pas le droit de nous dérober.

Le Poisson Rose que je suis  a lu avec beaucoup d’intérêt cet ouvrage, très bien écrit,  emporté par une foi enracinée dans le cheminement personnel de l’auteur. J’y ai retrouvé beaucoup de thèmes que nous partageons, mais avec les mots de Régis : le besoin d’une Renaissance d’une Europe qui a oublié dans son essor les dimensions humaines et environnementales, la nécessité de réformer l’économie mondiale pour assurer un développement plus efficace pour tous, l’importance capitale de l’Europe , mère de la mondialisation,  pour défendre un modèle nouveau via le témoignage, son analyse de la Chine et ses critiques des Etats-Unis, l’effilochement spirituel de nos sociétés occidentales. Le dernier mot de mon ouvrage de 2013 « Un projet pour l’Europe » était le mot « espérance ». Régis Passerieux termine sur le mot « malédiction ». Ce mot donne à sa réflexion et à son livre toute sa gravité et souligne le caractère d’urgence  de la situation, comme si nous étions à la veille d’un combat manichéen susceptible de tout emporter. Il est vrai que la lecture des événements mondiaux  peut parfois effrayer. Je  veux espérer malgré tout que « Dieu écrit droit en dessinant des courbes », même si nous sommes sans doute engagés dans une de ces courbes dont nous ne maîtrisons ni la forme, ni la trajectoire, ni la durée. Puissent nos engagements communs se conjuguer au service de cette bienveillance que nous appelons l’un et l’autre de nos vœux.

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