Un catholique s’est échappé – Jean-Pierre DENIS

Un catholique s’est échappé – Jean-Pierre DENIS

Le Cerf, 2019

Le titre est original. Echappé de quoi ? on le comprend vite : échappé de cette retenue naturelle (souci de ne pas heurter, discrétion, attention aux autres, appréhension en ce monde laïc) qui nous empêche de dire tranquillement que nous sommes des catholiques. S’étant ainsi échappé, JP Denis est devenu un catholique « attestataire », thème qu’il développe dans le chapitre 1 puis particulièrement dans le chapitre 4.

J’ai bien aimé ce livre, je m’y suis aussi reconnu. J’ai apprécié le ton, rapide, enjoué, non sans humour, une façon de parler très libre, de mettre en scène les situations, adossé à une vraie réflexion sur l’église d’aujourd’hui et à des pistes intéressantes.

J’en retiens cette idée qu’on est converti par les autres (chapitre 2) ; JP Denis en donne de nombreux exemples et chacun pourra constater que c’est bien comme cela que ça se passe. Autrement dit, on nous réclame l’évangile (p 17). Je suis également convaincu qu’il y a un grand besoin de spiritualité dans notre société. Les gens ne croient plus guère, rejettent les églises instituées mais expriment, souvent de façon indirecte, malhabile, leur soif de sens. Avec notre association La fontaine aux religions, dans le 11ème arrondissement, nous en avons fait l’expérience l’an dernier. Par prudence mal placée, nous avons enfoui le trésor (p45).  Du coup, les non-chrétiens nous évangélisent (p53).

J’ai bien aimé aussi le chapitre 3 consacré à nos 7 tentations.  J’aurais plutôt choisi le mot « réaction » que celui de tentation, mais peu importe. Enumérons-les : le déni, la croyance dans l’éternel retour, l’auto complaisance, la tentation identitaire, la folklorisation, la sécularisation tranquille, enfin le découragement. Face à quoi ? au diagnostic que dresse JP Denis, sans mâcher ses mots : « L’Europe n’a plus la foi « ( p65) ; « le christianisme d’habitude est voué à l’extinction démographique, cultuelle et culturelle » (p71). Il revient sur les chiffres, on les connaît (nombre des baptêmes, des mariages, des prêtres, etc…) ; En effet, (p 67) le fossé s’est creusé entre une église qui veut « tenir » et une société  qui émancipe. Jean-Louis Schlegel le disait quasiment dans les mêmes termes dans sa très belle et récente lettre aux catholiques : face à une société qui permet et encadre, l’église interdit. Le rouleau compresseur de la sécularisation, de la marchandisation, de la consommation écrase tout (p 69).

 J’apprécie que JP Denis dise que parfois nous sommes pris par le découragement (p96). Qui ne l’a pas ressenti ? D’où la nécessité d’attester, de dire notre foi, simplement, sans choquer certes, mais avec courage. J’ai bien aimé la façon dont il nous confronte au « comment faire » en citant de nombreux exemples (p 107 et suivantes), autant d’illustrations d’un catholicisme qui « assume et assure ». Et d’insister sur les « valeurs faibles » ( p 127 et s) qui s’appuient sur une évidence peut-être oubliée «  la faiblesse de Dieu n’est pas son crépuscule mais sa forme historique ». La page 142   souligne que ces faiblesses ne sont pas propres aux chrétiens mais elles dessinent un chemin « universel et personnel ». On peut regretter qu’il n’ait consacré que deux pages aux 5 remèdes cités p 97 : les larmes, l’alternance travail/prière, la contradiction, la contemplation de la mort et la persévérance. Peut-être pour s’ouvrir l’espace d’un prochain livre, ou plutôt d’une méditation ?

 Le chapitre 5 ouvre trois pistes et sert de conclusion, laquelle n’apporte rien, disons-le. Ces pistes se fondent sur la conviction qu’il faut (p165) « repenser de A à Z l’évangélisation et l’activité même de l’église ».

Première piste, prendre acte que nous avons basculé dans une société liquide (p 146, 153, 160) et que l’église doit s’adapter aux transformations culturelles majeures.

Deuxième piste, prendre au mot le pape François quand il nous invite à aller aux « périphéries (p154) en étant certes attentifs au petit noyau dur des pratiquants mais en songeant à tous ceux qui se sont éloignés mais qui gardent un soupçon de lien (via l’enseignement privé, les associations, les bénévoles…).

Troisième piste qui n’est qu’évoquée mais qui est sans doute, à mes yeux, essentielle, acter le fait que notre religion de l’incarnation s’est désincarnée ( p171) . Ce faisant, elle s’est « incarcérée, désormais prisonnière d’une sèche abstraction » ; « un christianisme sans Christ » (p55). Du coup, nous n’apportons plus de soins aux gens.  A l’heure, signale-t-il, où les livres qui aident au « développement personnel » (le soi) rencontrent un grand succès, comment traduire ce souci du soin. (p 170/171) «  Plus je lis l’évangile, plus je suis frappé par l’importance qu’y occupe la maladie, psychique ou physique, la possession démoniaque, la mort insupportable d’un ami ou d’un enfant, la souffrance corporelle ou spirituelle. Jésus s’intéresse à la perte de sang, à la paralysie, à la cécité et à toutes les exclusions et les impuretés que certaines maladies ou malformations peuvent susciter. Il invite les disciples à guérir autant qu’à prêcher. Il touche. Il oint avec sa salive ».

Nous, Poissons roses, habitués à nager « A contre-courant » ( titre de notre manifeste paru en 2016), la société liquide ne nous effraie pas. Nous sommes d’accord pour être avec JP Denis « contre culturel » et pour saluer le travail qu’a pu faire un Jean Vanier ( p 172). Nous pourrions réfléchir à cette église du soin.

Merci à Jean-Pierre Denis de nous avoir offert ce livre d’espérance. « L’avenir du christianisme est entre nos mains » écrit-il page 121.

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Patrice Obert

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