Non à l’Europe allemande – vers un printemps européen ? – de Ulrich Beck

Non à l’Europe allemande – vers un printemps européen ? – de Ulrich Beck

Autrement – 2013

 Le titre est provocateur et répond sans doute à un souci promotionnel. Car le livre ne parle pas d’une « Europe allemande »

La thèse du livre est indiquée p 33 . U Beck indique qu’il va reprendre ses thèses sur la société du risque (développée dans deux livres antérieurs). « selon mon interprétation, l’ignorance est la caractéristique principale d’une dynamique à laquelle sont aujourd’hui livrées les sociétés occidentales… La société du risque est une société du pourrait. » 

Et plus loin (p54), «le conditionnel de la catastrophe forme le cadre d’interprétation de cet essai ». Quel est donc ce cadre ? Toute catastrophe est inimaginable et globale.  U Beck disserte ensuite mais sans grand intérêt sur les risques potentiels que pourrait connaître l’Europe.

Ce qui est en jeu ( p 50), c’est « d’éviter l’effondrement des valeurs européennes d’ouverture au monde, de liberté et de tolérance.. . La vraie question est la suivante : comment l’Europe peut, devrait et doit être (ou devenir) solidaire ? ». Cette question est le vrai sujet du livre, moins polémique mais plus juste.

P 31 : « on a recours à un socialisme étatique pour les riches et pour les banques, au néolibéralisme pour la classe moyenne et les pauvres ». jolie observation.

Plus intéressante est son analyse de la politique d’Angela Merkel, qu’il nomme Merkiavel et résume ainsi p 96 : cette politique a 4 composantes :

  • combiner souverainisme et construction de l’Europe
  • L’art de la tergiversation comme stratégie disciplinaire
  • Le primat de l’éligibilité nationale
  • La culture allemande de stabilité

Il revient sur « l’agenda  2010 » de G Schröder dont l’objectif était d’augmenter la pression sur les chômeurs pour qu’ils acceptent des emplois moins qualifiés, moins rémunérés avec des conditions de travail plus mauvaises ( p104), ce qui, conjugué à la crise de 2008 , a permis un modèle d’exportation offensif avec hélas « une conséquence décisive : elle universalise la précarité »(p104)

H Kohl disait (p107) « L’Allemagne est notre patrie, l’Europe est notre avenir »

 Pour U Beck,  « l’erreur centrale de la politique d’austérité allemande ne consiste pas seulement à définir le bien-commun européen de façon unilatérale et nationale, mais surtout, dans un geste d’arrogance, à définir les intérêts nationaux d’autres démocraties européennes »(p 108) « la réunification de la RFA avec la RDA a servi de modèle de politique de crise pour l’Europe tout entière. A la différence essentielle, tout de même, que, dans l’Europe en crise, le mot de solidarité ne veut plus rien dire ». (p108)

Au contraire, il invoque 4 principes pour refonder l’Europe en fin de première partie (p113) :

  • Le fair-play (que les partenaires européens soient loyaux et justes)
  • L’équilibrage
  • La réconciliation
  • L’opposition à l’exploitation

Dans la seconde partie, U Beck  traite d’un contrat social pour l’Europe. Il se demande ce qu’il en est du point de vue de l’individu dans cette Europe. « Que faut-il entendre par la « société européenne des individus » que nous proposons ici ? (p118) :

  • Garantir plus de liberté ( cf p 124)
  • Plus de sécurité sociale
  • Plus de démocratie. P128 : « ce n’est que quand les individus envisageront l’Europe comme leur propre projet qu’ils seront à même d’adopter la perspective des citoyens d’autres pays européens qu’on pourra réellement parler d’intégration verticale et de démocratie européenne »

 Commentaire personnel : U Beck est visiblement un européen convaincu, déçu par les non-réponses et les tergiversations d’Angela Merkel, à laquelle il reproche son manque d’ambition européenne. On ne peut qu’être d’accord avec lui, mais le livre reste décevant car « en l’air » ; le sous-titre « vers un printemps européen ? »   exprime sans doute bien mieux que le titre le vrai souhait de l’auteur.

Enfin, le livre de U Beck renvoie à un souci que les Européens solidaires ne peuvent que partager : remettre la personne au centre. Mais il ne va pas assez loin, se contentant de parler de l’individu et restant très théorique.

A noter, la fin de la préface de d. Cohn-Bendit  « l’avenir appartient à une Europe de la coopération active et préoccupée par l‘instauration de minima environnementaux et sociaux transversaux. Notre « salut » ne viendra donc pas des « sauts religieux » mais d’un sursaut politique ». On se demande bien à quoi il fait référence en citant soudainement, entre guillemets, ces deux  expressions.

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Patrice Obert

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